Je suis photographe depuis mon enfance, animé tout d’abord par un désir de mémoire, de fixer ce qui est appelé à disparaître, emporté par la flèche inexorable du temps. Maintenant, par un  glissement insensible vers un travail de mémoire collective, je tente de témoigner aussi complètement que possible du formidable héritage que nous ont légué des millénaires de civilisations et des générations d’artistes, d’artisans, de bâtisseurs, de poètes…

J’ai parcouru le monde, construisant peu à peu une œuvre-hymne à l’altérité, sans cesse étonné par notre diversité et notre créativité. Quoi de plus représentatif de ce foisonnement et ces richesses que le mythe de la tour de Babel ? Au contraire de la vision d’un Dieu jaloux punissant l’homme pour son hybris, le XXème siècle et l’émergence de sociétés libres et respectueuses de l’individu nous ont apporté une autre interprétation : la dispersion et la confusion des langages sont les garants de notre altérité et de notre liberté; ne nous soumettons pas, à l’extérieur à un tyran, et à l’intérieur à une pensée unique. Le langage, non seulement exprime, mais fonde notre perception du monde. La diversité des langues explique la quantité de nos œuvres qui, loin de s’opposer, contribuent mutuellement au Beau.

Jean-François RAUZIER